La lisière de l’enfance

Lorsque j’étais petit enfant
dans une ville blanche, immense et étrangère,
ma mère était craintive de tout.

Ne pas s’éloigner de l’immeuble,
ne pas aller dans le quartier du port,
ne pas se baigner dans les trois heures suivant le repas…

Lorsque nous allions en ville, étrangement,
elle me disait :
« Traversons dans les clous, là il n’y a aucun danger ».

Je ne comprenais pas du tout comment ces simples clous de cuivre plantés au sol
pouvaient nous protéger des voitures.
Toutefois, ces passages cloutés étaient la seule clairière au sein d’une sombre et dangereuse forêt.

Ne plus croire à rien
me serait certainement insupportable
sans les souvenirs de ce passé là.

L’innocence se satisfait de l’ignorance.
Non ! Je n’ai pas posé de question
en attrapant instinctivement la lisière de l’enfance.

Que peut vouloir de plus quelqu’un qui doit mourir un jour
et qui, guidé par la main de sa mère,
ne le sait pas encore ?

Bordeaux Jardin public

Ce contenu a été publié dans Textes sans connivence. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

1 réponse à La lisière de l’enfance

  1. maisoublanco dit :

    La lisière me permet un lien vers le merveilleux poème de Rimbaud : Les assis ».
    Explications sur l’excellent site de Michel Esnault : http://rimbaudexplique.free.fr/poemes/lesassis.html

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *