Hier j’ai profité d’un bref passage à Bordeaux pour rendre visite au lieu-dit Darwin.
Ce lieu représente plein de choses pour plein de gens différents, et c’est bien, mais pour moi l’important c’est les graphes et les grapheurs.
En plus, ceux qui participent au site pêchent toujours des objets insolites.
A peine arrivé je tourne autour d’une caravane certainement américaine.
Immédiatement 3 personnes me bloquent, me pressent de questions et j’ai peur.
Est-ce le retour de la Stasi ? Vont-elles m’enfermer dans le véhicule et me faire avouer sous une lampe éclaboussante des choses que je n’imaginais même pas ?
L’instinct est remarquable car malgré mon effroi je parviens à les observer.
Il y a celle, pleine d’assurance qui me questionne (je ne comprends rien à cause du masque), une autre plus timide qui se triture les doigts et une troisième qui a de petites bagues en plastique que j’avais d’abord prises pour des poings américains.
Ouf ! Je me calme.
Elles cherchent seulement à comprendre ce qui fait l’âme de Darwin et les motivations de ses visiteurs.
Ceci participera d’un compte-rendu vidéo pour leur école.
Bien que cette mission soit certainement importante pour leur cursus, elles font cela avec beaucoup de décontraction et de rire dans les yeux.
Le questionnement d’inconnus les intéresse certainement autant que de découvrir la réalité des choses sur Darwin.
Quant à cette réalité, il est très probable qu’elles en aient déjà des conclusions personnelles très précises.
Il y a très longtemps que j’arpente la caserne Niel, je tombais sur des gens que je décrirais comme bizarres (certains encore plus), des grapheurs aussi avec qui je discutais.
L’espace étant toujours limité pour l’homme, ils ont inventé des règles de comportement précises concernant l’utilisation des surfaces.
J’aime particulièrement Mas, Mika, See Yk, Selor, Albert One,…
Ce que j’aimais à Darwin c’était de rencontrer Donald Trump entouré de cochons qui bavent, voir des abeilles sortir de la bouche d’un Mr Ruche, penser à Frida Kahlo qui montre sur sa tête un passeport tropical ayant la forme d’un singe (elle est toujours là), être choqué qu’un grapheur ne réponde pas à mon bonjour (zut il est sur le graph).
La caserne Niel a certainement participé à la reconnaissance du graph à Bordeaux.
Le Shake Well Festival international de graffitis – Bordeaux 07/2016 s’est installé sur des murs qui n’existent plus :
Bref !
Aujourd’hui (19 mai 2021), je continue mon petit tour de Darwin, le périmètre autorisé par le privé représente à peu près 1/100 ème des friches que j’arpentais en 2008, il y a quelques images nouvelles à classer dans le style perfectionniste… finis les messages, fini l’humour.
Je demande à une personne autorisée pourquoi le reste du site est fermé… parce que c’est privé et à cause de la sécurité, si quelqu’un se blesse.
Un jour je suis tombé en prenant un raccourci dans les Sestrales (Aragon), aucun panneau ne m’a prévenu que c’était dangereux de grimper sur les montagnes.
Là ce n’était pas à cause de Darwin mais de cet idiot de Newton.
Mais j’y suis retourné et j’ai vu les merveilles.
Ce que je voudrais finalement dire à Lou, Lilou et Ariane c’est ceci :
on ne s’aperçoit pas que les choses disparaissent.
Pendant un certain temps, elles ne sont plus là mais notre quotidien nous rend aveugles.
Longtemps après on s’aperçoit qu’elles ont disparu.
L’étude à réaliser, à chaque fois différente, c’est d’expliquer ce qui s’est passé et pourquoi ça s’est passé.
Ainsi en va t-il de toutes nos libertés.
Se poser les questions :
– est-ce que je désirais cela ?
– est-ce que quelqu’un a décidé ?
– est-ce une minorité ou une majorité qui a choisi ?
– est-ce que plus on est moins on compte ?
– est-on assez attentifs au présent ?
– la création doit-elle être réservée à l’industrie
– nos rêves doivent-ils être délégués à notre civilisation ?
– tout est-il récupérable ? NON.
La perte, la chute, l’oubli sont les termes qui tournent autour de notre problème.
Dans « la plaisanterie » Kundera le dit : « il n’y a pas de pardon. Tout sera oublié et c’est l’oubli qui fera office de pardon. »
Mais ne vous méprenez pas ! Je n’ai rien contre la disparition, je l’admire même lorsqu’elle est volontaire.
Par exemple, je pense à cet écrivain que je trouve particulièrement lucide; il appelle son éditeur pour lui ordonner d’enlever son nom : « Mon nom doit disparaitre ! ».
Un autre exemple dans le film d’Antonioni, l’Eclipse : un couple d’amoureux se donne toujours rendez-vous à un angle de rue, sous un réverbère.
Le temps passe et à la fin du film la caméra est immobile pendant 3′, nous laissant observer la lumière glauque du réverbère, l’arbre qui bouge au vent, le canivau qui reçoit un filet d’eau d’une descente de toit.
Le couple n’est pas là. C’est fini.
MAISOUBLANCO
PS : on en a discuté : quelques photos de Bacalan 2008 (construction du pont-digue et créateur en objets de fer. (vérifier s’il est toujours là).
Découpeur/Soudeur à Bacalan