Si l’on gardait
Si l’on gardait, depuis des temps, des temps,
Si l’on gardait, souples et odorants,
Tous les cheveux des femmes qui sont mortes,
Tous les cheveux blonds, tous les cheveux blancs,
Crinières de nuit, toisons de safran,
Et les cheveux couleur de feuilles mortes,
Si on les gardait depuis bien longtemps,
Noués bout à bout pour tisser les voiles
Qui vont sur la mer ;
Il y aurait tant et tant sur la mer,
Tant de cheveux roux, tant de cheveux clairs,
Et tant de cheveux de nuit sans étoiles,
Il y aurait tant de soyeuses voiles
Luisant au soleil, bombant sous le vent,
Que les oiseaux gris qui vont sur la mer,
Que ces grands oiseaux sentiraient souvent
Se poser sur eux,
Les baisers partis de tous ces cheveux,
Baisers qu’on sema sur tous ces cheveux,
Et puis en allés parmi le grand vent…
Si l’on gardait, depuis des temps, des temps,
Si l’on gardait, souples et odorants,
Tous les cheveux des femmes qui sont mortes
Tous les cheveux blonds, tous les cheveux blancs
Crinières de nuit, toisons de safran
Et les cheveux couleur de feuilles mortes,
Si on les gardait depuis bien longtemps,
Noués bout à bout pour tordre des cordes,
Afin d’attacher
A de gros anneaux tous les prisonniers
Et qu’on leur permît de se promener
Au bout de leur corde,
Les liens des cheveux seraient longs, si longs
Qu’en les déroulant du seuil des prisons,
Tous les prisonniers, tous les prisonniers
Pourraient s’en aller
Jusqu’à leur maison…
Charles VILDRAC
Ce poème me fait penser à la dentellière, et si leurs fuseaux n’étaient chargés que de
leurs cheveux. Une vie à broder. Ceci pour dire que votre poème ouvre l’imaginaire.
Bienvenue Lutin qui représente désormais l’image du nomade devant un ciel revisité au quotidien.
J’ai découvert ce poème de VILDRAC sur un disque de Serge Reggiani des années 80 où il disait des poèmes de Rimbaud, Verlaine, Prévert.
Deux de ces poèmes resteront toujours dans ma mémoire, celui-ci et la tentative de description d’un diner de tête de Prévert. Je fais un bref rappel de ce monument dans ma rubrique « les phrases claques – J. Prévert ».
C’est ce que j’appelle des poèmes ambitieux.
avec un sourire je viens d’essayer le mot de passe que vous êtes heureusement seul à connaître .
mais le mien n’est toujours pas passé
j’étais allée sur le net chercher ce poème de Vildrac et je m’en suis souvenue en le relisant
je pense que je l’avais lu mais ne l’ai jamais entendu avec la musique
donc l’amie lutin est venue et a réussi à se connecter
sans aide. les lutins sont des êtres doués de pouvoir (;-)
je reviendrai