Ceux qui ont eu la gloire d’être là,
ceux qui ont seulement subi leur propre veulerie,
ceux qui pèsent les sentiments humains avec un malsain recul,
tous ceux là expliquent ce qu’est le courage :
le courage, c’est d’avoir peur et de le surmonter.
Personnellement, j’ai peur et j’ai décidé de subir le courage.
Depuis trois ans j’ai commencé à lire un livre où chaque mot est une bataille,
deux cent quatre vingts une pages lues, pages d’apocalypse,
toutes ces lettres jetées sur moi rougeoyantes de l’enfer,
ne montrant que le vide et l’infini,
un homme en ombre chinoise, regardant la vie en l’oubliant.
J’ai peur et j’ai décidé que le courage n’était pas futile.
Et ce livre, dont le seul espoir est que je l’engloutisse,
tous les soirs il me regarde
du haut de ses trois cents pages non encore lues.
Afin de retarder l’immense tragédie,
l’inacceptable action que de placer ce livre à côté de tous les autres,
ce livre depuis longtemps terminé par son auteur
serait achevé par moi le lecteur.
Moi, conscient avec lourdeur qu’il me faut absolument éviter
de ne plus pouvoir lire ce livre pour la première fois.
Le découvrir ! J’ai peur de mourir sans ce plaisir mais j’ai le courage de le retarder.