Un an à Imouzer du Kandar – Histoire 27
Le guide
Dans la cour de l’épicerie de Kader _ l’heure du thé, mes interlocuteurs français sont excités comme des puces :
Akioud (4.030 m) – Ras (4.083 m) – Timesguida (4.088 m) – Toubkal (4.167 m) – M’Goum – Jbel Ayachi …
Ils me racontent leurs exploits grimpants tels des tiroirs caisses de grands magasins.
Les hauteurs de leur collection s’additionnent et effectivement, dans une légère torpeur je sens l’oxygène se raréfier, mon cœur ralentir … je les oublie … et sens comme une gaîté de l’air, très fraîche sur ma peau, comme un antidote à l’ennui.
Désolé les gars – j’ai mon compte pour cette discussion, il faudra continuer sans moi.
Je les oublie en constatant le jaune qui pâlit et se reflète sur les façades, à l’heure imprécise qui trahit un peu plus cette journée.
Elle tombe lourdement comme toute journée consacrée aux autres, qui scelle de façon imprécise, jusqu’à la souffrance, le bonheur de l’inconscience.
Oui l’heure tombe, Fantasia de lumière qui cesse – comme un air fragile de mandoline, attendant une relance de vigueur, celle du soir – toute aussi inutile.
Douce, elle tombe.
Alors je pense aux gouffres du grand Kandar qui s’offrent au timide Jbel Abad (1.768 m), de ces dépressions que l’on observe et ressent tout seul. Me croiraient-ils, ces alpinistes, si je leur disais qu’il y avait une dune cachée là-bas ? Une dune devant laquelle je me suis assis en les écoutant ? Toutes ces pierres jetées du Kandar et fracassées en bas, pierres désagrégées en sable, comme des idées, toutes ces journées en attendant le thé, comme le moment de l’amnistie, une dune où je sens comme une gaîté de l’air, très fraîche sur ma peau.
Une photo sortie d’un autre monde. S’asseoir là et laisser passer le temps jusqu’à ce qu’il nous emporte laissant deux chaises vides remplissant l’espace.
C’est tout à fait cela Lutin – cela montre aussi que nous rêvons, mais que la réalité rêve aussi car cet endroit existe bien.