Un an à Imouzer du Kandar – Histoire 10

Je suis retourné en France une dizaine de jour. Ce petit voyage me laisse dans un constat étonnant.
Je craignais qu’avec l’âge on ne s’aventure presque plus,… , pour finalement ne plus faire que ce que l’on a déjà fait.
C’est pourquoi, là-bas, je suis étonné d’avoir ressenti être à l’étranger.

Etais-je devenu un autre pour que cette ancienne banalité m’étonne ?

Pour donner un exemple, ici à Imouzer, chez Kader (thé/coiffeur/Internet), après 3 heures de silence, si je craque et dis « connaissez-vous une bonne définition de l’amour partagé », El Hadj (le plus cultivé d’entre nous) se lèverait aussitôt pour déclamer un poème d’origine andalouse dont je ne comprendrais un traître mot. Puis s’élèverait un brouhaha où chacun exprimerait son point de vue. La participation, ici, c’est la vie.

En France, lorsque, tout frais débarqué et encore plein de torpeur, j’ai posé cette question, il m’a été répondu « je ne suis pas d’accord ! Ce n’est pas ça l’important ! ».
Je compris immédiatement que j’avais la chance d’être étranger dans mon pays. Ici, en France, on maîtrise le sujet sur lequel on va parler et se découvrir. On est précis sur le périmètre dans lequel on s’aventure, ou on refuse le dialogue.
Cela m’a donné envie de visiter en touriste La Haye en Touraine où est né le grand Descartes.

De retour sous la protection du Kandar, j’ai raconté cette histoire à Kader, qui jalouse un peu son frère qui a fait médecine à Casablanca.
Son oeil a pétillé et il m’a répliqué : « tu aurais dû dire : puisque tu n’es pas d’accord, voici ma définition de l’amour NON partagé : « c’est une hémorragie ».
Fier de sa réplique, pour boucler l’œuvre et pour exprimer ce qu’il estime être la justice, en me menaçant du doigt il a ajouté : « surtout, ne leur donne jamais ta définition de l’amour partagé ».
Mon oeil a pétillé aussi : dans notre ressenti comprendre est un bonheur plus fréquent que d’être compris et être accepté jalousement en est un autre.

Frise d’une medersa à Fes (Maroc)

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