Temps maussade, nuages gris,
départ de Fès, le taxi a une étoile sur le capot et 640.000 au compteur,
en route vers Imouzer, mon monde à moi,
mon monde au milieu des choses et du monde,
du début à la fin une musique lancinante à la radio,
deux personnes qui se parlent d’une colline à l’autre,
et puis sur le bord de la route des drapeaux marocains qui me rassurent,
je suis bien ici et pas ailleurs,
dans un virage, ce type seul d’une tristesse abolue,
quand on souffre vraiment on souffre seul,
quand nous avons passé une nuit blanche plus personne ne nous aime, disait le poète,
des virages, des virages,
d’incarnation en incarnation,
grain de poussière que la vie soulève pour le laisser retomber ensuite,
quel bonheur que d’avoir l’instinct de son inimportance,
je regarde le chauffeur,
quelles mains tend-il et vers quel univers ?
Une des malédictions de la pensée est de voir alors que l’on pense,
et je vois cet énorme nuage bleu qui je le devine cache le grand Kandar,
bleu ? ce genre de nuage qui fait douter une fraction de mon cerveau,
et je sens un coeur tout proche qui redémarre.
Alors, je me réveille.