Aujourd’hui, j’ai effectué une randonnée solitaire sur les sentes du Kandar.
Cette fois-ci, l’odeur des champignons dominait.
Retour précipité à Imouzer sous une pluie cinglante. Je reprends mon souffle dans l’épicerie-salon de coiffure et déguste un thé à la menthe au bout d’une longue table qui retient les avant-bras.
Les restes de repas, certainement très anciens sont invisibles mais très collants. Entre les notes de la tempête sur la tôle ondulée, je distingue le ton bas des Berbères (les hommes libres) qui discutent politique. La politique est le sujet le plus sensible aux variations de latitude, au climat, à la civilisation.
Le Kandar est propriétaire du vent environnant et des odeurs qu’il colporte.
Influencés par la magie de l’endroit, on pourrait facilement conclure qu’il possède aussi toutes les âmes d’Imouzer.
J’imagine ces mêmes hommes au Mexique ou dans une province Sud-Américaine, à la frontière de trois états tropicaux … là, saouls, le regard torve sur les jambes de French Cancan d’une troupe approximative, …, dans la tête une révolution toujours prête, comme la mort ou la poésie.
Pas de ça à Imouzer !
Ici, le Berbère n’a qu’un soucis : durer. Durer comme la terre vide en septembre avec le grain invisible et protégé.
Les Romains (Roumis) sont passés. Les Français sont passés. Les Arabes restent dans les plaines, dirigent le pays et certains ont une vue sur le monde.
Le Kandar LUI, Girolles, Perdreaux, Sangliers, concasse les ambitions et ses vents les subtilisent pour ne laisser que des pensées lourdes, lucides et pessimistes.
Ici on est concerné par la chute, la fin de toute action … on discute beaucoup et on fait l’essentiel.
Moi : « Kader ! »
Kader : « Oui ! »
Moi, faisant un geste : « Une feuille ? »
Kader : « Oui ! »
Moi : « Un crayon ? »
Kader : « Oui ! »
Ne pas résister à une envie de décrire cette scène, même si je sais que la feuille restera collée sur cette table jusqu’à devenir illisible.
Kader est comme ça … et moi aussi.