Medoc

C’est un pays calme et étrange
où c’est la terre qui navigue,
caramel liquide passant et repassant
devant les vignes qui coulent en pente douce
vers des ports à gabarres tournés vers tous les gosiers du monde.

Lorsqu’on n’est pas d’ici
on voit des carrelets égocentriques
ne connaissant que le bonheur.
Ils s’admirent dans l’eau
et rient de ce que les hommes les aiment plus que de raison,
plus que leurs maisons.

On voit des choses rouillées
qui s’accrochent au bastingage
tel l’amiral Beychevelle*
ivres de nuages lourds
en apercevant chateau Montrose
car ici il n’y a pas d’éléphant.

Mais ces vins immenses voyagent ailleurs
et ne sont pas pour les hommes simples,
ceux qui n’ont même pas de carrelet.
Ceux-là, selon chaque saison,
remontent de la boue des trésors de cuisine girondine
qui dégoûtent ceux qui ne sont pas d’ici.

Lorsqu’on n’est pas d’ici
on voit un phare au loin sur une ile
qui n’a jamais connu la mer,
plus loin une citadelle immense,
vierge aussi de toute attaque,
et encore plus loin une usine du même type que Fukushima.

Ne cherchez pas dans vos souvenirs,
n’utilisez que les yeux,
c’est calme et étrange,
c’est le Médoc.

Beychevelle* : le Château Beychevelle appartenait jadis à Jean-Louis Nogaret de la Valette, Grand Amiral de France et Gouverneur de Guyenne. Les navires passant devant le château devaient « baisser le voile » en signe de respect – d’où l’emblème que l’on trouve toujours sur l’étiquette.

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