La tentation nihiliste

Bonjour Monsieur Jaccard,

je viens de lire sur votre blog votre sentiment fait de déception, de doute et de fierté concernant votre livre « La tentation nihiliste ».
Auriez-vous dû l’écrire _ est-il bien écrit _ aucune relation entre votre « don » nihiliste et votre vie ?

http://www.rolandjaccard.com/blog/?p=2392

Je l’ai lu.
Je pourrai même vous décrire la banquette sur laquelle cela s’est passé _ et vous faire partager ma difficile concentration en cette cour cernée de fleurs. Non pas que la lecture fut difficile ou contraignante _ non, c’est tout simplement cette cour avec le Kandar qui la regarde _ simplement cette montagne qui est et par là qui nous rabaisse le caquet.
Heureusement votre livre parle de tous ces gens qu’on a appelés nihilistes et sa lecture peut être reprise et reprise entre l’appel d’un rossignol voisin (toujours prioritaire), une corne de gazelle avec mon thé vert (délicieuse habitude au soleil couchant) ou l’endormissement induit par le clapotement des babouches (multitude imposée qui passe de l’autre côté du mur).

On peut lire les grands auteurs, chacun apportant sa structure, mais il faut aussi que quelqu’un les montre tous ensemble, chacun avec son style mais surtout son caractère propre.
Par exemple si vous me dites que le monde est triste, je me poserai toujours la question suivante : « Quelle mouche l’a donc piqué et où l’a t-elle piqué ? ».

Mais revenons à l’intérêt de votre ouvrage : Il m’a apporté beaucoup d’anecdotes rassurantes, ceux qui ont le génie des mots sont irremplaçables et c’est tellement bon, ici à Imouzer du Kandar, de lire un livre qui parle d’un tas de gens, et surtout : de gens d’accord avec moi.
Parmi les grandes anecdotes de ce livre, ma préférée est sans doute celle de SCHNITZLER : « Que nous soyons amenés à nier l’existence de dieu … voilà qui devrait nous inciter à une certaine réserve … ».

Oui, merci Monsieur Jaccard, c’est toujours un plaisir de ne pas se savoir seul, même sur un sujet aussi futile que le sens de notre existence.

En lisant votre blog, je constate que nos lectures furent parallèles.
C’est bien là la raison de ce message : Vous persuader que des gens « normaux » rient aussi du mystère.

Je n’écris pas de livres, mon temps s’écoule en longues parties de pétanque, en photographiant des effets quantiques à la plage ou ailleurs, ce qu’on appelle la réalité quoi _ et puis je rêve aussi beaucoup.
Vous avez écrit ce livre, je l’ai lu en entier en en soulignant des tas de choses.

Pour vous remercier et vous rassurer, je m’empresse donc de vous confirmer la drôlerie de la vie :

– Découverte du Zarathoustra à 17 ans alors que j’étais au chevet d’une copine allemande malade dont j’étais amoureux.
Ainsi, au pied de son lit, les pages tournaient et j’oubliais la malade tandis que ma fièvre amoureuse devenait fièvre poétique.
Le lendemain matin, après une nuit à lire pour moi et de repos pour elle, je lui fit part de mon émerveillement sur le bouquin de son compatriote. Elle me dit « tu aimes ?… Mais … c’est un Nihiliste !!! ».
Le ton qu’elle prit pour décrire cette race d’écrivains, je ne le compris que plus tard, mais le charme Franco/Allemand était rompu, c’est le livre que je gardai.

– Passé à l’épaisseur d’une porte de connaître CIORAN.
Jeunes des années 70, un collègue Roumain du nom de Sturdja si je me souviens bien, me propose de me présenter Cioran, ami de sa famille.
J’accepte en tremblant, ma peur était aussi forte que mes rires lorsque je le lisais.
Sturdja sonne, le viel homme n’ouvre pas, Sturdja insiste, Cioran : NON NON NON je ne veux voir personne.
Sturdja me regardant : une autre fois peut-être ?

– J’avoue : je n’y croyais plus.
Sachez que la chance m’a encore souri il y a quelques années en me délivrant un plaisir énorme.
A la FNAC un gros livre bleu sortait de la grisaille comme un néon de bar lorsque l’on a très soif.
Les autres livres sur les rayons deviennent invisibles, je tends donc le bras légèrement désabusé, craignant du commerce du papier une déception supplémentaire, ouvrait le livre en son milieu, et aussitôt, compris que je ne craindrai qu’une chose de ce livre : c’est de le finir.
Pessoa venait de rejoindre ses amis sur mes étagères.

Je ne sais si vous en avez déjà parlé.

Voila ! Votre livre m’a plu _ maintenant les choses sérieuses _ je chausse mes grosses chaussures _ le Kandar m’attend _ les ombres profondes des choses.

Cordialement

Les ombres profondes des choses

Les ombres profondes des choses

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1 réponse à La tentation nihiliste

  1. Merci pour votre très belle lettre.
    Bien évidemment, je partage votre passion pour Pessoa…..j’ai parlé de lui, mais je ne sais plus où….sans doute était-ce un peu maladroit. Il fut l’un des premiers à voir le génie d’Amiel.
    Je me suis toujours senti étrangement proche de Schnitzler, le seul auteur avec Proust, que j’ai lu intégralement. Et relu.
    Cordialement, r.j.

    Roland jaccard

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